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bande dessinée - Page 16

  • White Rabbit Dream, transgressif et sensible

    L’univers de Nicolas Le Bault fait partie de ces découvertes assez incroyables qui vous transportent dans un monde rarement vu : un vrai cabinet de curiosités, qu’il déploie aujourd’hui dans le second volume de la revue d’avant-garde White Rabbit Dream. Le fil conducteur choisi par Nicolas Le Bault et les autres artistes qui le côtoient – Twotom Land, Cendres Lavy, Stéphane Rengeval et Frederika Abbate – est la nostalgie, une nostalgie projetée dans des scènes riches et inventives.

    Le volume 2 de White Rabbit Dream est en soi une vraie œuvre d’art : véritable magazine transgressif, à la fois roman graphique et revue expérimentale. Le lecteur y trouvera les personnages familiers de Nicolas Le Bault : ces poupées inquiétantes, à fois créatures perverses et victimes expiatoires.

    On peut aussi y découvrir les planches baroques et élégantes de Towtom Land, mais aussi, dans le deuxième chapitre, les dessins au lavis de la bien-nommée Cendres Lavy : ces enfants ou pré-adolescents figés dans des autoportraits surréalistes renvoient au style faussement naïf de Nicolas Le Bault.

    Un vrai cabinet de curiosités

    Stéphane Rengeval (Chapter III) est l’une des très belles découvertes de ce volume. Les thèmes abordés sont d’une noirceur indéniable : danses sataniques, étreinte douloureuse pour ne pas dire viol, personnage masqué. La facture des dessins de Stéphane Rengeval prend le contre-pied de ces thématiques : traits délicats, visages féminins angéliques et corps dans des mouvements fluides, à l’image de cette petite contorsionniste.

    White Rabbit Dream, revue atypique ressemble à un de ces nombreux groupes de punk-rock : capable de transgression en même temps que de créations d’une finesse à fleur de peau.

    Towtom Land, Cendres Lavy, Stéphane Rengeval, Nicolas Le Bault et Frederika Abbate,
    White Rabbit Dream, La Nostalgie, vol. 2, 2018, 30 p.

    https://whiterabbitprod.bigcartel.com
    http://www.nicolaslebault.com
    http://www.cendreslavy.net
    hhttp://www.twotom.fr

    Voir aussi : "Au-delà du miroir"

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  • Du sex-appeal à réveiller les morts

    C’est un trip dessiné gothique que propose William Skaar avec Deanna et les Zombies (éd. Tabou). Un trip qui est aussi un conte érotique, baroque et horrifique dont l’héroïne est Deanna Carter. La pulpeuse jeune femme guide, par jeu, deux amies dans un cimetière. Mal lui en prend : en s’exhibant avec un insolent sex-appeal, ce sont des morts qu’elle réveille. Pour lui faire passer l’envie de venir les provoquer, ces zombis sont bien décidés à faire de la visiteuse d’un soir leur future victime. Pour sortir de ce mauvais pas, telle la Shéhérazade des Mille et une Nuits Deanna échange la promesse d’être épargnée quelques heures en échange d’histoires qu’elle entend bien prolonger encore et encore.

    Bien entendu, ce sont ces contes qui forment le cœur d’une bande dessinée qui ne se refuse rien. Ce que Deanna raconte n’est ni plus ni moins qu’un voyage infernal, depuis la recherche d’une mystérieuse clé d’argent dans le manoir de son grand-père jusqu’à la découverte du Carnigore. Sur ce chemin semé d’embûches, d’êtres pervers et de fantasmes, Deanna Carter croise la route d’un livre maléfique, le Carnomicon, d’une compagne de voyage tout aussi pulpeuse, Béatrice et d’êtres infernaux prêts à tout. Et surtout, elle pénètre dans un enfer dantesque, "un tableau vivant et démentiel." L’audace, la provocation, le sexe et l’humour noir sont dans chaque case de cette BD américaine proposée en France aux éditions Tabou.

    Un tableau vivant et démentiel

    Pour Deanna et les Zombis, William Skaar mélange sans vergogne le trash, le fantastique, le gore, des traditions mythologiques, la religion, le chamanisme et bien entendu de l'érotisme à tous les étages. Deanna est l’incarnation d’une sorcière sexy, moderne et chasseresse de morts-vivants, comme avant elle l'Anita Blake de Laurell K. Hamilton. Mais, à vrai dire, c’est vers d’autres sources qu’il faut chercher les influences de William Skaar : le dessinateur Richard Corben, l’auteur de pulps Richard Shaver, les classiques Sade et Dante, le romancier HP Lovecraft et son Cthulhu, Edgar Rice Burroughs, le créateur de John Carter, ou encore l’actrice Barbara Steele, pour ses rôles dans Le Masque du démon ou La Chambre des tortures.

    Le lecteur peut compter sur Deanna Carter, sur sa témérité comme sur son sex-appeal, pour venir à bout de morts-vivants, ou du moins les envoûter à sa manière, grâce à ce voyage plein de cris, de dangers et de plaisirs répugnants et honteux. C'est bon, la honte.

    William Skaar, Deanna et les Zombis, Les Mille et une Nuits des Morts-vivants,
    éd. Tabou, 2018, 80 p.

    http://carnigor.com
    https://www.facebook.com/will.skaar
    https://www.facebook.com/deannaofthedead

    Voir aussi : "Zombie, fais-moi peur"

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  • Changez-vous, mademoiselle

    Parlons de Bastien Vivès, dont le talent que Bla Bla Blog a salué à plusieurs reprises (Le Goût du ChloreUne Sœur ou Amitié étroite) a été terni par le scandale de Petit Paul, un ouvrage catalogué comme pornographique. Ce n’est pas de cette bande dessinée dont il sera question ici mais d’une autre, Le Chemisier (éd. Casterman), qui vient de remporter le prix Wolinski de la BD du Point.

    Séverine est étudiante en Lettres et vit avec Thomas, un geek sympathique mais un peu distant. Pour arrondir ses fins de mois, la jeune femme fait du baby-sitting pour les Marguet. Un soir, leur fille dont elle s’occupe, Éva, tombe malade et vomit sur Séverine. Revenu plus tôt de soirée, le père de la fillette propose à l’étudiante de se changer avec un chemisier de sa femme. Avant de rentrer chez elle, Séverine lui propose de rendre le vêtement très vite. Contre toute attente, non seulement l’étudiante ne trouve pas le moyen de rapporter le fameux chemisier, mais en plus elle finit par ne plus pouvoir s’en séparer. Sa vie s’en trouve bouleversée.

    Rhomérien

    Bâtir une histoire sur un simple chemisier et tirer le fil d’une intrigue naturaliste et minimaliste jusqu’au bout : on retrouve-là le génie de Bastien Vivès, un rhomérien s’aventurant, d’une certaine manière, sur un terrain fantastique – et érotique.

    Le chemisier emprunté par Séverine n’est pas qu’un banal vêtement de soie, certes impeccablement taillé ; il s’agit aussi d’une seconde peau qui métamorphose la sage et sérieuse étudiante en femme devenue soudainement visible, irrésistible et au centre de toutes les attentions.

    Bastien Vivès, comme souvent, ne s’embarrasse pas de longs dialogues. La bande dessinée se fait plus cinématographique que théâtrale, avec un travail sur les plans que toutes les écoles de bandes dessinées devraient montrer à leurs étudiants. Pour Le Chemisier, les visages sont un peu plus dessinés que dans les albums précédents. Le visage de Séverine parvient à être traversé de mille émotions, des émotions mais aussi des émois qui n’ont été rendus possibles que par la grâce d’un banal chemisier.

    Bastien Vivès, Le Chemisier, éd. Casterman, 2018, 204 p.
    http://bastienvives.blogspot.fr

    Voir aussi : "Les meilleurs amis du monde" 
    "De la piscine comme univers métaphysique"
    "Dans la chaleur du Morbihan"

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  • La fleur au fusil

    En ce jour de centenaire de l’armistice du 11 novembre 2018, comment ne pas parler de Jacques Tardi, dont l’œuvre s’est nourrie de l’histoire de la première guerre mondiale ?

    Le créateur d’Adèle Blanc-Sec offre avec son double volume Putain de Guerre !, co-écrit avec Jean-Pierre Verney, l’une des plus saisissantes fresques de la Grande Guerre et de ses poilus, ces soldats anonymes qui ont servi de chair à canon dans un conflit ahurissant d’horreurs.

    Putain de Guerre c’est l’histoire à la première personne d’un de ces fantassins parisiens partis sur le front. Tardi suit les pérégrinations de ce jeune homme, de son départ Gare de l’Est, la fleur au fusil, jusqu’aux grands champs de Bataille du nord et de l’est de la France.

    Écrit à la première personne, Putain de Guerre frappe d’abord par son texte écrit à la première personne : impitoyable, cynique, cruel, le discours est tout autant anti-militariste et pacifiste.

    La collaboration de Jean-Pierre Verney a été essentiel pour écrire un ouvrage de bandes dessinées où le noir et le rouge sont omniprésents et qui est aussi et surtout bourré de détails historiques. Un vrai chef d’œuvre.

    Jacques Tardi, Putain de Guerre !, deux vol.
    postface de Jean-Pierre Verney, éd. Casterman, 2008, 70 et 69 p. 

    https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Auteurs/tardi

    Voir aussi "La seconde bataille de Verdun"

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  • La naissance de la belle Rafaëla

    Dans la postface de Tamara de Lempicka, la bande dessinée de Virginie Greiner et Daphné Collignon, Dimitri Joannidès rappelle qu’après une période flamboyante durant les années folles, Tamara de Lempicka a été oubliée du monde de l’art. Trop figurative ? Trop bourgeoise ? Pas suffisamment révolutionnaire ? Suspecte d’avoir été une vraie star dans le milieu parisien de l’entre-deux guerres ?

    C’est du reste cette période qui intéresse Virginie Greiner, au scénario, et Daphné Collignon, au dessin. Sans didactisme, avec une admiration certaine, et sans rien cacher des failles de la peintre, Virginie Greiner raconte l’année 1927 qui a vu la naissance de l’un des plus grands nus du XXe siècle, La Belle Rafaëla.

    La BD suit les pérégrinations de Tamara de Lempicka dans le Paris qui était la capitale mondiale des arts, celle d’André Gide, de Jean Cocteau ou de Picasso. Femme artiste dans une société toujours bridée, Tamara de Lempicka revendique farouchement sa liberté, y compris dans sa situation de femme mariée et mère d'une petite fille. Lorsqu’elle apprend à Gide qu’elle recherche un modèle pour son prochain tableau, ce dernier lui propose de lui présenter des femmes de ses connaissances. La peintre accepte de l’accompagner, mais aucune ne la convainc.

    Au dessin, Daphné Collignon nous propose des planches aux couleurs sépias qui sont chacune d’authentiques créations graphiques, renvoyant le lecteur dans les années folles. Voilà une entrée en matière passionnante et intelligente pour entre dans l’œuvre d’une artiste prodigieuse qui n’a été redécouverte qu’après sa mort, à partir des années 80.

    Il sera de nouveau question de Tamara de Lempicka dans quelques semaines, dans le cadre cette fois de notre hors-série sur Tatiana de Rosnay.

    Virginie Greiner et Daphné Collignon, Tamara de Lempicka
    postface de Dimitri Joannidès, éd. Glénat, 2018, 56 p.
    https://www.daphnecollignon.com

     

     

  • Vous ne préférez pas plutôt un stage ?

    Ah, ces entretiens d’embauche, ces DRH froids, ces startups pratiquant l’art faussement cool du recrutement et surtout ces candidats obligés d’avaler des couleuvres pour décrocher des emplois faméliques malgré leur CV long comme le bras…

    Voilà le sujet de la bande dessinée de Mathilde Ramadier, Vous n’espériez quand même pas un CDD ? (éd. Seuil). Le livre se présente sous la forme de chroniques que l’on imagine vécues par l’auteure. Chaque chapitre correspond à une offres d’emploi avec l’annonce correspondante, parfois aussi drôle – et ce n’était pourtant pas le but ! – que les strips qui suivent : "Design junior," "Pigiste," "Copy writer" ou "Creative manager."

    Managers se comportant en gourous tout-puissants

    Mathilde Ramadier croque avec un mélange de férocité, de naïveté et de poésie ces huis-clos au cours desquels se jouent une carrière, des rêves et un avenir, et qui sont souvent réduits à néant en quelques mots. On rit jaune en découvrant ces tranches de vie en entreprise. Le monde des startups est sévèrement égratigné : managers se comportant en gourous tout-puissants, petits boulots ou stages non-rémunérés transformés en challenges cools, exploitations éhontées des candidats via de pseudos tests de recrutements ou jargon globish présenté comme un véritable sésame pour se faire mousser.

    C’est d’ailleurs ce dernier aspect qui est développé dans l’épilogue ("Bientôt la retraite") au cours duquel notre candidate parvient à enfumer un recruteur : un joli pied de nez qui vengera pas mal de candidats passés, présents et futurs. Rien que pour cela, que Mathilde Ramadier soit remerciée.

    Mathilde Ramadier, Vous n’espériez quand même pas un CDD ?, éd. Seuil, 2018, 111 p.
    https://mathilderamadier.com

    Voir aussi : "Décalée"

  • Une nouvelle nuit à Rome avec toi

    Il y a quelques mois, nous parlions ici-même des deux premiers tomes d’Une Nuit à Rome : l’histoire d’une promesse un peu folle que deux jeunes gens se sont faite durant leur vingtième anniversaire, à savoir passer une nuit à Rome le jour de leur quarante ans. Le deuxième tome se terminait par un épilogue à la fois amer et ouvert.

    Jim a choisi de poursuivre un nouveau cycle en mettant en scène nos deux personnages principaux, Raphaël et Marie, dans la capitale italienne. Là encore, il est question d’une nuit à Rome le jour de leur anniversaire. Cette fois, c’est un Raphaël, beaucoup plus extraverti et moins tourmenté que lors des deux premiers tomes, qui invite son amie d’enfance à le rejoindre. La belle brune résistera-t-elle à ce rendez-vous ?

    À Bla Bla Blog, on adore Jim, le scénariste autant que le dessinateur, pour ses histoires d’amour modernes et d’une grande élégance. Le lecteur suivra avec passion la nouvelle rencontre entre Raphaël et Marie et attendra avec impatience la suite de ce nouveau rendez-vous à travers le temps et l'espace. Un quatrième tome viendra bientôt clôturer ce deuxième cycle.

    Jim, Une Nuit à Rome, livre 3, éd. Bamboo, 2018, 100 p.
    http://jimtehy.blogspot.com

    Voir aussi : "On s’était dit rendez-vous dans vingt ans"
    "Rendez-vous jeudi prochain, même lieu, même heure
    "La débandade"

     

  • Rendez-vous jeudi prochain, même lieu, même heure

    Jim a touché en plein cœur. Une fois de plus, lui et Louis Chabane au dessin, ont réalisé avec Héléna (éd. Grand Angle) une bande dessinée exceptionnelle, se rangeant dans la catégorie des œuvres bouleversantes, et bien différente de leur vaudeville de mœurs, L’Érection.

    Héléna c’est bien entendu le personnage féminin autour duquel tourne l’album au romanesque fou. Pour autant, le héros ce n’est pas elle mais le narrateur Simon, qui a toujours été amoureux de cette blonde incendiaire et irrésistible. Or, le jour de son mariage, Simon la croise par hasard, à Nice, face à l’église où il va dire oui à sa future épouse. Héléna promène un enfant et vit une période que l’on dirait "compliquée." Cette rencontre inopinée est une révélation pour Simon qui décide le jour de ses noces de ne plus se marier : Héléna sera la femme de sa vie.

    Héléna c’est l’histoire d’un amour. Mais pas que.

    Non sans opportunisme, et grâce à un héritage généreux, il approche la jeune femme quelques temps plus tard, il lui propose alors un drôle de marché : contre une rémunération de 1000 euros mensuel, il lui propose trois heures de son temps chaque jeudi après-midi, pour passer un peu de temps avec elle, mais sans faire l’amour. Son but est de renouer avec elle et la convaincre qu’il est l’homme de sa vie. Réticente et méfiante, Héléna finit par accepter.

    Héléna c’est l’histoire d’un amour. Mais pas que. C’est aussi une BD d’une sensualité folle. Mais pas que. C’est également le récit d’une rencontre entre deux êtres qui se cherchent. Mais pas que. Cela pourrait être aussi le récit d’une audace incroyable qui se transforme en une relation dont il est impossible de raconter les dernières pages. Car il faut absolument aller jusqu’au bout de cette histoire bouleversante de rendez-vous, dont le souffle tragique cloue sur place.

    Graphiquement magnifique, intense et indispensable.

    Jim et Louis Chabane, Héléna, 2 volumes, éd. Grand Angle, 2014 et 2015,
    78 p. chacun

    "La débandade"